En mars 2018, la majorité bourgeoise du Parlement fédéral a accepté une modification de la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA). Une modification que nous nous devons de combattre avec la plus vive énergie.

 

De quoi s’agit-il exactement ?

Le nouvel article de la LPGA prévoit de confier aux assurances sociales la possibilité d’ordonner la surveillance secrète de leurs assurés. Assurances maladie, accidents, chômage, invalidité, vieillesse et survivants, prestations complémentaires : toutes les assurances sociales sont concernées. Autant dire que nous sommes, par voie de conséquence, aussi toutes et tous concernés. Ainsi, sur fond de soupçons ou d’« indices concrets » évalués par l’assurance, la direction de celle-ci pourra ordonner la surveillance d’un assuré pendant une durée pouvant aller jusqu’à un an. Cette « observation » pourra être déléguée à des « spécialistes externes ». En langage clair, à des détectives privés. Détectives qui pourront recourir à l’assistance d’instruments techniques, par exemple des enregistrements visuels ou sonores. Surveillance qui pourra être opérée dans un lieu accessible au public ou « librement visible depuis un lieu accessible au public ». Ainsi donc, des assurés pourront être espionnés dans leur appartement, c’est-à-dire dans leur salon, leur cuisine ou toute autre pièce, pour autant que ce soit fait depuis un endroit public, le trottoir par exemple, avec ou sans l’aide d’outils techniques tels que téléobjectif ou drone.

Une possibilité qui bafoue l’État de droit

En accordant aux assureurs un droit presque illimité de surveillance sans contrôle judiciaire ‒ seule l’utilisation de traceurs GPS serait soumise à autorisation préalable par un juge ‒, le législateur porte atteinte à la dignité de tous. Le principe de « présomption d’innocence » est ici quasi sacrifié, il est sous-entendu que nous sommes toutes et tous des coupables en puissance. Et cela ne s’arrête pas là : cette disposition porte aussi atteinte à l’égalité des droits. Dans notre pays, lorsqu’il s’agit de surveiller de potentiels fraudeurs au fisc ou des membres de groupes criminels, il faut une décision de justice pour agir. Dans le cas des assurés, vous et moi, avec la modification de la LPGA soumise à votation, nul besoin d’une telle décision. En d’autres termes, en cas d’acceptation, nous accorderions à des services de l’administration ou à des organismes privés des compétences que nous n’octroyons à nos forces de police que sous des conditions très strictes.

Des conséquences potentiellement néfastes

Les partisans de la loi se plaisent à dire que celui ou celle qui n’a rien à se reprocher n’a rien à craindre d’une telle disposition. C’est totalement faux. Alors qu’il arrive à la justice de se tromper, les assureurs seraient, eux, infaillibles ? Sans parler des conséquences possibles de cette suspicion, et des moyens qu’elle mobilise, pour la santé des assurés. Pensons aux personnes atteintes dans leur santé psychique pour qui sortir de chez soi représente un vrai défi, une source d’angoisses à surmonter. Il faut parfois des semaines d’encouragement et de soutien des thérapeutes et/ou de l’entourage pour qu’une personne souffrant, par exemple, de dépression profonde accepte de sortir de chez elle pour aller prendre un café avec un ami. Ce qui constitue ici un acte thérapeutique pourrait devenir objet de suspicion et de surveillance par simple décision de l’assurance. Le poids de cette possibilité est inacceptable et même dangereux pour les personnes atteintes dans leur santé, voire pour leurs proches.

La fin ne justifie pas tous les moyens

Derrière cette décision, il y a la volonté récurrente de combattre les abus aux assurances sociales. Un objectif que nous ne contestons pas sur le fond. Cependant, la fin ne saurait en aucun cas justifier tous les moyens. Enfin, impossible pour nous d’ignorer la disproportion des moyens et des efforts mis en place pour lutter contre la fraude à l’assurance d’une part et contre la fraude fiscale de l’autre ! 


C’est pourquoi nous devons nous engager avec détermination pour dire NON, le 25 novembre, à la surveillance des assurés.

21. oct 2018