Sous la pression de l’Union européenne et de l’OCDE, le Conseil fédéral et le Parlement ont entrepris de revoir l’imposition de certaines sociétés (holdings, sociétés mixtes, sociétés de domicile) et d’abolir les statuts fiscaux octroyant des conditions très favorables aux revenus provenant de l’étranger. Cette révision, notre parti l’a soutenue, car les régimes spéciaux contredisent un principe fondamental qui nous est cher, celui de l’équité fiscale. Le maintien de nos relations avec l’Union européenne, mises à mal trop régulièrement par les partis nationalistes, a aussi pesé dans la balance. 

Toutefois, vu l’orientation politique prise par le parlement fédéral aux élections 2015, attendre une quelconque forme d’équité fiscale semblait déjà illusoire. Au final, sans surprise, la 3e réforme de l’imposition des entreprises votée par les Chambres tient du véritable hold-up pour les collectivités publiques.

Pourtant, nos camarades au Parlement se sont engagés pour infléchir les dispositions qui offrent de scandaleux cadeaux aux actionnaires et aux grands groupes internationaux. Aucun argument n’ayant été retenu (cela rappelle le budget cantonal…), le référendum a été lancé. Avec succès. C’est pourquoi la population suisse est appelée à se prononcer sur la RIE III. Et la seule option est de voter non.

La concurrence fiscale est mauvaise pour la cohésion nationale

Pour les partisans du oui, la Suisse est un enfer fiscal d’où les entreprises, « lourdement imposées », partiront si l’imposition ne diminue pas. Camarades, ils oublient d’autres facteurs tout aussi importants pour renforcer l’attrait économique du pays, maintenir et développer l’emploi, mais aussi soutenir les PME, épine dorsale de notre tissu économique : personnel bien formé, centres de recherche, qualité des infrastructures et du système de formation, partenariat social, sécurité du droit, administration dynamique… 

La RIE III porte trois maux fondamentaux : elle renforce la concurrence fiscale entre cantons, offre des cadeaux fiscaux faramineux et laissera les collectivités publiques exsangues. 

La concurrence fiscale est mauvaise pour la cohésion nationale. Au lieu d’unir les forces et d’aider les cantons à faible potentiel de ressources, la RIE III poussera les cantons à une course acharnée au dumping fiscal. N’entend-on pas déjà des discours sur la peur que les entreprises partent vers les cantons voisins ? La RIE III, censée abolir les statuts spéciaux, introduit de fait une série de déductions qui frôlent les limites quant au but affiché de mise en conformité avec les standards de l’OCDE et de l’UE. Voyons l’exemple des réserves latentes, soit la différence entre la valeur vénale d’un avoir (comme une machine) et sa valeur comptable. Quand la réserve latente est réalisée (ici, quand la machine est vendue), cette somme est normalement imposée comme bénéfice. Or le Parlement a décidé que la déclaration des réserves latentes, si elle concerne des biens situés actuellement à l’étranger, ne serait pas soumise à l’impôt sur le bénéfice. Cela ne constitue-t-il pas un nouvel outil de concurrence et de dumping fiscal avec les autres pays ? 

Quant aux cadeaux fiscaux, certains calculs les fixent bien au-delà des estimations de la Confédération. Comment pourrait-il en être autrement alors que les déductions, opaques, ne sont pas clairement définies dans la loi ? Ainsi, la déduction sur les intérêts, les NID ou intérêts notionnels : l’entreprise pourra déduire un taux d’intérêt fictif sur le capital propre excédentaire. Comme aucune directive précise n’a été énoncée, il y a fort à parier que les entreprises déplaceront du capital propre sous cette rubrique pour déduire les intérêts. La Belgique avait introduit ce système ; les pertes ont été si fortes qu’elle y a renoncé. Certaines estimations chiffrent cette composante des pertes fiscales à environ 222 millions pour la Confédération. 

La RIE II, annoncée à 900 millions, a coûté plusieurs milliards 

Autre exemple de flou complet à propos d’un risque financier majeur : la valorisation des apports financiers. La RIE III permet de déduire les dépenses de recherche et développement non à 100 %, mais à 150 % ! Cela non seulement viole le principe de droit fiscal qui postule que l’on peut déduire ce que l’on a effectivement dépensé, mais fait craindre de nouvelles pertes financières, puisque la notion de « recherche et développement » n’est pas définie clairement. Et que dire des recettes liées aux brevets et aux « droits comparables », imposées de manière privilégiée ! Le Conseil fédéral n’a pas non plus exactement défini les « droits comparables »…

La réforme devait être neutre pour les collectivités publiques ; ce n’est à l’évidence pas le cas. La Confédération annonce des pertes de 1,3 milliard, ce qui signifie baisse des prestations et coupes dans les domaines essentiels pour le pays : formation, écologie, santé, transports. Autant de prestations dont les entreprises bénéficient aussi aujourd’hui ! Resteront-elles si nos standards s’effondrent ? Le chiffre même de 1,3 milliard doit être pris avec des pincettes, puisque la RIE II, annoncée à 900 millions, a coûté en définitive plusieurs milliards. Au point que le Tribunal fédéral a fait observer que la population avait été trompée lors de cette votation. 

Enfin, le Parlement a voté une augmentation de quelque 920 millions de la part de l’impôt fédéral direct versée aux cantons. Stratégie habile pour ne pas braquer les cantons et « compenser » leurs futures pertes. Mais qu’en est-il des villes et communes ? Lausanne annonce une perte de 15 millions, Winterthour, 34 millions. Et chez nous ? Aucun chiffre encore, mais nous le savons, plusieurs de nos villes et communes annoncent des budgets déficitaires. La RIE III les étranglera davantage, diminuant d’autant les prestations de proximité (école, transports, culture, sports) ou les contraignant à d’inévitables augmentations d’impôts ! 

Au moment de régler la facture RIE III, il reviendra une nouvelle fois aux contribuables de payer ces cadeaux fiscaux ! Une fois de plus, une fois de trop ! C’est non !
 

NON à la réforme de l’imposition des entreprises III 

31. déc 2016