Après de longs débats, de nombreux amendements et de multiples concessions faites par l’ensemble de la gauche, le Grand Conseil a voté le 20 décembre, par 63 oui, 48 non et 4 abstentions, un budget présentant un déficit de quelque 50 millions de francs, au lieu des près de 66 millions du projet du Conseil d’État. Malheureusement, malgré ce vote favorable de 55 % du Parlement, l’État se retrouve paradoxalement sans budget pour 2018. En effet, à cause des règles actuelles fixées par la loi, une majorité qualifiée de 69 députés était nécessaire pour valider tout déficit supérieur à 19 millions. Usant et abusant de sa capacité de blocage, la droite du Grand Conseil (PLR et UDC) a délibérément voulu aboutir à une absence de budget, de manière à priver la collectivité neuchâteloise de tout cadre financier pour l’année à venir.

L’absence de budget pour l’État est une triste première dans l’histoire de la République, avec des conséquences préoccupantes à plusieurs égards. Tout d’abord, cela signifie que le Parlement a failli à son rôle, en refusant à dessein d’assumer sa responsabilité première. Ainsi, les règles légales visant prétendument à favoriser des consensus constructifs entre les forces politiques aboutissent au contraire à un blocage institutionnel insurmontable. Ensuite, et c’est certainement le plus alarmant, l’absence de budget impliquera des réductions drastiques des moyens financiers accordés aux services, aux institutions et aux communes dans le social, la formation, la santé et la culture. En effet, tant qu’il n’y a pas de budget, le Conseil d’État ne peut engager que les dépenses absolument nécessaires à la marche de la collectivité. Par ailleurs, plus aucun investissement ne sera réalisé.

Une telle situation, en plus de l’incertitude et des inquiétudes légitimes qu’elle fait peser sur la population, porte avant tout préjudice aux personnes déjà précarisées, et à la collectivité dans son ensemble. Elle est de nature à causer des dégâts difficilement réparables pour une cohésion sociale cantonale déjà passablement mise à mal ces dernières années et à entraver considérablement le nécessaire assainissement des finances publiques du canton. En bref, cela revient à saborder un navire en pleine tempête au milieu de l’océan et à regarder nager ses occupants. 

Face à l’irresponsabilité décomplexée de la droite parlementaire, le groupe socialiste a systématiquement assumé ses responsabilités. Durant le processus budgétaire, les députés socialistes ont tout entrepris pour aboutir à un consensus, en vue d’obtenir un budget. Ainsi, nos propositions visant à limiter les mesures d’austérité voulues par le Conseil d’État, en particulier dans la culture, la formation, l’intégration et le social (soutien aux bibliothèques assumant des missions cantonales, rétablissement de la subvention au Bibliobus, renforcement de la scolarisation des requérants mineurs, intégration socio-professionnelle, maintien des subsides LAMal, atténuation des mesures dans l’aide sociale), étaient compensées par des propositions de recettes supplémentaires et des réductions de charges dans des domaines moins prioritaires. Mais rien n’y a fait : la droite est restée farouchement opposée à toute position de compromis. On peut dès lors s’inquiéter qu’une telle intransigeance ne signifie rien de moins que la fin du consensus à la neuchâteloise. 
Aujourd’hui, face à la gravité de la crise institutionnelle qui paralyse notre canton, le groupe socialiste a pris le parti de soumettre au Grand Conseil des propositions visant à trouver des solutions pour remédier à l’absence de budget en 2018. Toutefois, la marge de manœuvre est étroite et le chemin pour y parvenir semé d’embûches. Quoi qu’il en soit, avec les règles actuelles, une telle situation se répétera inéluctablement à l’avenir, si bien qu’il devient urgent de les modifier. 

13. jan 2018