L'analyse d'Anne Tissot, députée au Grand Conseil
L’initiative « Remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie » déposée en 2012 par le Parti vert’libéral part d’une bonne intention mais les solutions proposées soulèvent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Elle demande d’introduire une taxe sur les énergies non renouvelables comme le pétrole, le gaz, le charbon et l’uranium ; en contrepartie, elle préconise de compenser par la suppression de la TVA la charge fiscale supplémentaire qu’impliquera cette taxe sur la consommation d’énergie. Évoquons quelques problèmes ou incohérences que sa mise en œuvre susciterait.
Des problèmes sociaux
Pour garantir des rentrées équivalentes à la TVA, les taxes sur les énergies non renouvelables devront être élevées. Les estimations faites par le Conseil fédéral montrent que le coût des huiles de chauffage pourrait à terme tripler. Or, contrairement à la TVA, la taxe sur l’énergie est régressive, dans la mesure où l’énergie absorbe une part plus importante du budget pour les ménages à revenu modeste (le double, si l’on compare les salaires inférieurs à 4800 francs et les ménages disposant de plus de 13 000 francs).
Assèchement des finances publiques
Aujourd’hui, la TVA rapporte plus de 23 milliards par an ; c’est la principale source de revenu de la Confédération. Son produit contribue notamment à financer l’AVS et l’AI. L’initiative rendrait les finances publiques dépendantes de la consommation d’énergie, tout en voulant réduire cette consommation. La baisse de la consommation entraînerait à terme immanquablement une diminution des recettes. De plus, comme le système prévu par l’initiative ne supprime pas par ailleurs les taxes et redevances existantes – sur les huiles minérales ou les kilomètres parcourus (RPLP) –, il induirait aussi une diminution de ces revenus-là. Le montant perçu pour la RPLP diminuerait, aux dépens des cantons ; le financement des grands projets ferroviaires également.
Des incohérences écologiques
D’un point de vue écologique, l’initiative pourrait avoir des effets non souhaités, comme l’importation massive d’énergies issues de cultures produites dans des conditions inacceptables, telles que certains biocarburants (déforestations, crise alimentaire). De plus, comme la taxe serait calculée de manière à ce qu’elle compense les revenus de la TVA et non en fonction d’objectifs énergétiques ou climatiques, on pourrait se retrouver dans une situation où la taxe serait fixée en fonction non plus d’un but écologique à atteindre mais d’un montant fiscal à garantir.
Pour une fiscalité écologique incitative
Refuser l’initiative ne signifie pas s’opposer à toute fiscalité écologique. Le Conseil fédéral a d’ores et déjà annoncé qu’il mettrait prochainement en consultation des propositions visant à remplacer le subventionnement des énergies renouvelables et le soutien aux assainissements énergétiques par un système de taxes incitatives à deux volets : prélèvement de taxes sur l’énergie et redistribution aux consommateurs.