Laurent Kurth, conseiller d’Etat

La santé dans notre canton est trop souvent devenue synonyme de crise. Et s’il est incontestable que la période traversée par l’Hôpital neuchâtelois est critique, il est aujourd’hui tout aussi incontestable que la politique de santé progresse de façon très positive.

Ce début d’année 2015 voit ainsi nombre de projets importants pour la politique de santé initiés, aboutir ou être soumis au Grand Conseil. Un système professionnel et de qualité pour la prise en charge des urgences a, enfin, vu le jour, de même qu’une refonte complète de l’organisation de la garde médicale. Et l’année sera encore intense en matière d’organisation sanitaire : 

  • le Gouvernement confirme la priorité donnée à la prévention et à la promotion de la santé ; il a achevé la consultation sur la santé scolaire et adopté un plan de prévention du tabagisme ; 
  • plusieurs projets de cabinets de groupe sont élaborés dans les régions avec le soutien de l’État ; 
  • la planification médico-sociale (PMS) appelée à répondre aux défis du vieillissement entre dans une phase de concrétisation, avec la fin de la consultation concernant les appartements avec encadrement (appartements protégés selon l’ancienne terminologie) et le démarrage d’un projet pilote dans le district du Locle pour l’information et l’orientation des patients et de leur famille ; 
  • un nouveau débat au Grand Conseil sur l’ensemble des sept domaines de la PMS est prévu à la fin de l’année, de même que sur les orientations stratégiques proposées par NOMAD (Neuchâtel organise le maintien à domicile)  et par le CNP (Centre neuchâtelois de psychiatrie) ; 
  • dans le même temps, les règles de financement des EMS seront en principe revues et les prémices d’un système de cybersanté seront posées ;
  • enfin, un rapport de politique sanitaire vient d’être adressé au Parlement. Appuyé sur une rétrospective 2009-2013, il ébauche une vision globale et tente de mettre en évidence les principaux enjeux auxquels Neuchâtel doit se préparer.

Tout cela confirme que la santé n’est pas limitée au système de soins et que celui-ci ne se résume pas à l’hôpital.

Pour autant, le domaine hospitalier est essentiel et ne sera pas en reste. Les travaux de la planification hospitalière sont bien avancés : les besoins en soins des Neuchâtelois ont été évalués, les critères pour prétendre à des mandats publics arrêtés et les appels d’offres lancés. D’ici à la fin de l’été 2015, les mandats seront attribués et une nouvelle liste hospitalière verra le jour ; elle sera valable de 2016 à 2022. 

Patient-marchandise…

Quant à HNe, il retient encore l’attention, et pour cause. Les contraintes de toutes natures et le contexte de concurrence induits par la LAMal s’imposent au dispositif neuchâtelois : 

  • en visant clairement, sans l’affirmer, à réduire la voilure du public et à offrir progressivement les pans les plus rentables de l’organisation hospitalière au secteur privé ; 
  • en transformant sans gêne les patients que nous sommes dans nos instants de vulnérabilité en simple marchandise ;
  • en générant de vives tensions dans les cantons sans hôpital universitaire : Fribourg, Valais, Jura et Neuchâtel pour la Suisse romande.

Ici comme ailleurs, sévissent aussi la pénurie croissante de personnels médico-soignants, les exigences nouvelles en matière de qualité, l’évolution des techniques médicales, l’accroissement des prises en charge ambulatoires et la nécessité de s’adapter au vieillissement de la population. 

Pour avoir trop longtemps ignoré ces contraintes très exigeantes, Neuchâtel constate aujourd’hui qu’il a pris beaucoup de retard : les systèmes de gouvernance n’ont été adaptés ni au niveau de la conduite politique ni à celui de la direction de l’établissement ; le rôle d’HNe aux côtés des centres universitaires, des institutions privées et des autres hôpitaux cantonaux n’a pas été clarifié; les finances déficitaires de l’institution menacent son existence même et ne dégagent pas de marge pour procéder aux investissements nécessaires alors que les coûts imposés aux patients et contribuables neuchâtelois sont élevés ; les conditions de travail n’ont pas été adaptées à la concurrence qui prévaut aussi pour s’attacher des compétences ou attirer les médecins ou soignants en formation ; l’organisation imposée par la législation cantonale est vécue comme un corset aggravant le recul du secteur public. 

Conserver des soins de qualité, identiques et accessibles pour tous

Dans ce contexte, les options élaborées en 2009 et soumises au peuple en 2013 s’avèrent dans une large mesure impossibles à concrétiser et le Grand Conseil sera appelé à les réexaminer, ce qui met à mal la confiance que la population doit pourtant pouvoir placer sans réserve dans ses institutions et ses autorités.

C’est donc un double défi que nous devons relever : celui d’élaborer rapidement un projet solide, permettant tout à la fois au canton de Neuchâtel de rattraper son retard, de conserver des soins de qualité, identiques et accessibles pour tous et de maintenir l’essentiel de la substance que représente aujourd’hui HNe (plus de 300 millions de revenus et 2500 emplois), et celui d’expliquer patiemment ce projet à une population désarçonnée par la remise en question d’un vote populaire. 

Vu l’ampleur du retard accumulé et la sensibilité de la question institutionnelle, la tâche est immense. Elle nécessite que chacun accepte d’affronter la réalité telle qu’elle est. Une réalité qui rend plus nécessaire que jamais que chacun, dans et hors de l’hôpital, s’engage dans un esprit de respect, de coopération et de dialogue plutôt que de compétition ou de confrontation. Les premiers jalons posés par le Conseil d’État et le Conseil d’administration, ainsi que les premiers signes positifs reçus du Grand Conseil et des collaborateurs de l’hôpital, montrent que cet état d’esprit peut se construire et que la situation peut évoluer. 

Participation et transparence

Comme l’illustrent les renouvellements intervenus en deux ans à la tête du département de la santé et dans son secrétariat général, à la direction du service de la santé publique, au sein du Conseil d’administration d’HNe et à sa présidence, ainsi que pour ses directions générale, financière et médicale, la sérénité à laquelle chacun aspire après des années de tensions n’est pas à envisager dans la stabilité. C’est au contraire une saine gestion du changement que nous devons promouvoir : une organisation qui stimule les évolutions et valorise la contribution de chacun pour adapter le dispositif hospitalier neuchâtelois à son contexte et aux pressions qu’il est appelé à subir de toutes parts. Une gestion qui remplace les méthodes héritées du passé, imposant à certains d’avancer masqués, pour faire place de façon ordonnée à la stimulation des énergies positives, à la transparence et à la liberté d’expression prônées désormais par la tête de l’institution, comme en attestent les premières réunions organisées avec des dizaines de collaborateurs.

 

17. avr 2015