
L’initiative de la Jeunesse socialiste suisse « Pas de spéculation sur les denrées alimentaires » a convaincu plus de 117 000 citoyens. Soutenue en 2012 par les Jeunes Socialistes Neuchâtelois, elle mérite une campagne digne de ce nom. En combattant la spéculation, nous défendons tous ceux qui souffrent de la faim, soit le neuvième de la population mondiale1.
Selon Jean-René Germanier (conseiller national VS/PLR), « les aspects spéculatifs n’influenceraient en moyenne que de 8 pour cent le prix des matières premières » (BO 2015 N 1571). Certes, la spéculation n’est pas la seule cause de la hausse des prix ; cela ne justifie aucunement le refus « sans discussions » de la droite (Libertés Neuchâteloises).
La spéculation n’est, contrairement à d’autres raisons de la mauvaise répartition de la nourriture (changements climatiques, croissance démographique), ni naturelle ni justifiable humainement. Le chiffre cité par M. Germanier (largement sous-estimé pourtant) conduit à un constat alarmant, car selon la Banque mondiale2, la population pauvre dépense entre 50 et 75 % de son budget pour se nourrir. Réunies, ces deux estimations signifient qu’entre 4 et 6 % des revenus de la population pauvre finissent entre les mains de riches banquiers.
Voilà une forme insidieuse d’« impôt dégressif » : plus vous êtes pauvre, plus la spéculation vous coûte !
Probablement conscients de la faiblesse de leur premier argument, les milieux bourgeois prédisent « un impact catastrophique pour les entreprises » et des suppressions d’emplois (communiqué du PLR, 17.09.2015). Or cette spéculation concerne moins de 1 % des actifs sous gestion des banques et assurances, 0,45 % pour les caisses de pension (Christian Levrat, BO 2015 E 605).
L’initiative ne menace aucunement les paysans, qui pourront toujours fixer par contrat des prix ou des délais pour des livraisons futures. De nombreux agriculteurs la soutiennent, car elle contribuerait notamment à stabiliser le prix des fourrages.
Par sa dimension morale, ce débat dépasse le cadre du socialisme pour s’inscrire dans celui de la justice. Même si la spéculation alimentaire ne constitue pas la cause principale de la pauvreté dans le monde et si la supprimer en Suisse représente une goutte d’eau dans l’océan, tout pas en avant dans un combat pour la dignité humaine, si petit soit-il, est un grand pas pour l’humanité.
1 L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde,
Programme alimentaire mondial, 2015.
2 Rising Food Prices: Policy Options and World Bank Response,
Banque Mondiale, 2008.