Osons l’affirmer d’emblée : la loi sur le renseignement (LRens) est dangereuse pour les libertés fondamentales et n’est pas apte à atteindre le prétendu objectif sécuritaire visé. Elle doit donc être fermement rejetée.


La LRens est dangereuse, car elle place des outils très intrusifs de surveillance de masse entre les mains de l’armée, par le Service de renseignement de la Confédération. Celui-là même qui s’est distingué par plusieurs « affaires » ces dernières années. Si la LRens est adoptée, une enquête pénale pourra être menée contre n’importe qui, sans même la preuve d’un soupçon, par un service rattaché à l’armée plutôt que par une autorité judiciaire.
La LRens ouvre la porte à de nombreuses dérives : elle porte atteinte à la sphère privée de chacune et chacun d’entre nous, puisque toutes nos vies et nos communications (courriels, Facebook, WhatsApp, activité sur internet) pourront être surveillées préventivement, sans motif. Elle crée une brèche inquiétante dans les garanties de l’État de droit : des décisions touchant des individus dans leur intimité pourront être prises sans contrôle judiciaire. Le mode de surveillance de la population instauré par la LRens n’a rien à envier aux mesures post-11 septembre de l’administration Bush. Vous avez aimé l’affaire des fiches quand on vous a peut-être suspecté d’être un « dangereux agent communiste » ? Vous allez adorer la LRens !
La LRens est inapte à atteindre le but visé : la police et les autorités pénales disposent déjà des outils de surveillance et d’enquête permettant de suivre des personnes sur qui portent des soupçons, surtout lorsque cela touche à la sécurité de l’État ou au terrorisme. L’énorme masse de données collectées, sans capacité à les traiter, empêchera d’identifier les informations vraiment pertinentes. Et comme cela a été tristement le cas en France, la surveillance généralisée avec l’état d’urgence ne permet malheureusement pas d’éviter des attentats et les formes actuelles de terrorisme aveugle. 
Gardons-nous de céder à la tentation sécuritaire poussée à son paroxysme, car notre collectivité a tout à y perdre. Comme le relevait Benjamin Franklin, « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».

Jonathan Gretillat
conseiller général, Neuchâtel

29. aoû 2016